L'Icam Formations Vie à l'Icam International Entreprise Recherche

Romain Duflot, ingénieur IT & startupper high-tech


24 Sep 2022

témoignage ingénieur réalité augmentée EyesLights

Présentation de l’ingénieur IT

Romain est diplômé de l’Icam depuis 2015. Il a suivi le parcours ingénieur Icam intégré à Toulouse. Il est le co-fondateur d’EyeLights, une startup innovante qui œuvre pour la sécurité routière, aujourd’hui leader mondial dans le domaine de la réalité augmentée adaptée à la moto. Alors qu’il se destinait à une carrière de pilote de chasse, Romain a finalement opté pour un diplôme d’ingénieur qui lui permet aujourd’hui de s’accomplir pleinement.

Transcription du podcast

Camille Schneller [00:00:11]Avoir un diplôme d’ingénieur généraliste, c’est pouvoir se réaliser à travers une palette infinie de compétences. On peut aider son prochain à créer des structures associatives ou des entreprises, participer au bon fonctionnement des fusées Ariane, faire fructifier l’un des fleurons de l’industrie française, être l’une des femmes ingénieure à tête de la plus grosse société de logistique de Douala au Cameroun, vivre de sa passion dans l’une des plus grandes entreprises françaises ou encore offrir un système de sécurité d’élite à tout un chacun pour révolutionner la sécurité dans les transports.

Romain Duflot, ingénieur it [00:00:43]Est ce que je m’attendais à être entrepreneur ? Pas du tout. Franchement, pour moi, la startup, c’est juste un moyen, un outil. J’avais envie de créer ma boite parce qu’il y avait cette envie de développer une technologie high tech, de répondre à un besoin de sécurité et de développer quelque chose qui ait du sens pour la société. 

Camille Schneller [00:01:01]Même quand on croit à un avenir tout tracé, le parcours d’un ingénieur peut se révéler riche en surprises et en émotions. Pour ce troisième épisode du podcast « Parcours d’ingénieurs », nous avons échangé avec Romain Duflot, co-fondateur de la société EyeLights, qui a inventé les affichages projetés dans le champ de vision des conducteurs.

Romain Duflot, ingénieur it [00:01:21] – Je suis Romain Duflot, cofondateur de EyeLights Je suis marié, j’ai 29 ans et j’ai été diplômé de l’Icam en 2015. Mon âme d’ingénieur est née d’une passion que j’ai pour l’aéronautique. En fait, quand j’étais petit, j’aimais beaucoup construire des avions et les faire voler. On appelle ça l’aéromodélisme. Et j’ai appris qu’il y avait un club d’aéromodélisme, le club de la base de Salon de Provence, qui a été fondé par des concepteurs de drones de l’armée de l’air. La limite d’âge pour y entrer c’était onze ans et donc j’y ai adhéré, sur mes mercredis après-midis, je m’en souviens encore bien. Ce club propose d’accompagner des jeunes dans la création, la conception d’un avion et aussi dans le fait de pouvoir le piloter et le faire voler sur la base. C’est quelque chose d’assez fascinant, de très formateur, très pédagogique aussi, puisqu’on apprend des notions aérodynamiques complexes à des enfants de onze ans. Et ce que j’aimais particulièrement faire, c’était de concevoir quelque chose de A à Z, de ses propres mains, de partir d’une feuille blanche, d’y assembler des pièces, des morceaux de bois, des cerveaux commandes, des batteries, de monter et finalement de voir sa création prendre forme et surtout après, de pouvoir la jeter en l’air et de la faire voler. C’est ça qui est qui est assez formidable en fait, c’est de voir le résultat de sa création. Quand j’étais au lycée, j’avais une dualité : celle de concevoir les avions, d’être ingénieur et également celle de les piloter puisque mon père était pilote de Rafale dans l’aéronavale. C’était quelque chose qui m’intéressait beaucoup que j’avais eu la chance de pouvoir toucher du doigt. 

Romain Duflot, ingénieur it [00:03:06] – Et finalement, j’ai choisi la voie qui était aussi celle de mon père, donc d’être pilote. J’ai commencé le parcours de pilote de chasse et la formation. J’ai postulé pour l’école des pupilles de l’air à Grenoble qui forme les officiers de l’armée de l’air. J’ai eu la chance d’être sélectionné. Donc, départ pour Grenoble. Je découvre tout un monde qui, en termes de cohésion, est vraiment unique. C’est très difficile, aussi bien intellectuellement que physiquement, d’un point de vue même de tradition. Ce sont des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir dans le civil. Courir en short dans la neige, se lever à 3 h du matin. Et puis après tout ça, faire des khôlles de maths quand on a fait tout ça et qu’on est rincé. C’était assez difficile mais en même temps, c’était assez incroyable d’un point de vue cohésion puisque toutes ces traditions font que les gens sont très, très soudés entre eux. Et d’ailleurs, ça ne s’oublie pas puisqu’aujourd’hui encore, dix ans plus tard, j’ai gardé tous mes potes. Je suis resté très, très proche. On se voit tous les ans, on organise plein de trucs ensemble alors que l’on ne s’est vus que neuf mois dans notre vie. Donc, c’est assez fort. 

Romain Duflot, ingénieur it [00:04:19] – J’ai intégré, en 2009, les pupilles de l’air, promotion 62. Et un mois après ma rentrée, mon père a eu un grave accident. Il est mort en opération à bord d’un Rafale au large de Perpignan. Il était en mission sur le Charles de Gaulle. Ça a complètement bouleversé ma famille. Ça m’a complètement bouleversé, moi. On ne s’y attendait pas du tout avec ma famille puisque mon père était pilote d’essai, il avait plus de 5000 heures de vol à son actif. Il faisait partie des trois pilotes d’essai de France à avoir fait l’EPNER, une école mondialement reconnue. Il avait fait trois guerres. Il avait testé à peu près tous les avions de chasse dans le monde. On se dit qu’il ne va pas lui arriver grand-chose, il est tellement expérimenté. Malgré ça, l’accident est survenu. Quelque chose d’assez flippant. On se dit : “putain, si ça peut lui arriver à lui, ça peut m’arriver à moi. Et donc, finalement, une grosse remise en question du risque associé à la profession de pilote de chasse. Par ailleurs, je me suis rendu compte que les codes militaires étaient un peu, d’une certaine façon, incompatibles avec ma personnalité. Il y avait toujours cette dualité de vouloir créer des choses, de pouvoir suivre ma propre voie. Et j’étais un peu frustré qu’on m’impose un cadre assez rigide. Parce que quand on pense à Pilote, on pense à Top Gun, on se dit : “c’est génial !”. Voler dans les avions de chasse, c’est peut être 5 ou 10 % du résultat final. Il ne faut pas oublier que les pilotes restent des militaires avant tout, c’est 90 % du métier. Ça reste la rigueur militaire, le respect de la chaîne de commandement, etc. Et ce n’était pas compatible avec ma volonté de créer des choses que j’avais toujours gardée en étant enfant.

Romain Duflot, ingénieur it [00:06:12] – Donc là, je me suis dit : “il faut que je change de voie. J’ai envie de tracer ma propre voie”. Il faut savoir que mon père était aussi très reconnu dans le milieu, donc difficile de passer après lui, en mode le fils de Duff. “Il va falloir faire mieux, ça va être compliqué”. Il avait quand même fini avec la famille Amstrong aux États-Unis. Donc, une notoriété mondiale. Et puis finalement, une volonté aussi de créer peut être autre chose, quelque chose de différent. Et c’est là que l’Icam m’avait pas mal parlé parce que j’avais aussi postulé à l’Icam avant de postuler à l’EPA, les pupilles de l’air. J’avais eu connaissance de parcours assez atypiques d’ingénieurs, de profils qui étaient passés par l’Icam. Je pense notamment à Christophe Caille, qui est pilote d’essai chez Airbus, qui maintenant de mémoire, doit être chef pilote, à Olivier Lebas qui a terminé quand même pacha du Charles de Gaulle. Le pacha, c’est le le chef, celui qui contrôle le bateau. D’autres profils complètement atypiques aussi, je pense à Corentin ingénieur low tech, qui a traversé des mers sur un bateau en toile de jute. Donc finalement, un esprit aventurier qui m’a attiré. Et puis une façon aussi pour moi de reprendre pied dans ce qui me plaît beaucoup, à savoir : le métier d’ingénieur

Début des études d’ingénieurs à l’Icam

Romain Duflot, ingénieur it [00:07:30:00] – Alors du coup, je suis parti à Toulouse pour faire le parcours Icam intégré. C’est le parcours prépa ingé généraliste, la voie générale. Je suis rentré à l’Icam en me disant j’aime bien la mécanique, je vais faire ingénieur mécanique. Je me projetais dans la conception mécanique d’une voiture, la conception mécanique d’un avion, les motorisations. Tout ça, ça m’intéressait beaucoup. Et finalement, je me suis rendu compte qu’aujourd’hui un ingénieur mécanique, en particulier à Toulouse, ce n’est peut être pas vrai partout, c’est beaucoup de simulations, d’outils numériques. Et finalement, cette partie-là, je ne la trouvais pas très fun. Il me manquait la partie pratique. Moi, j’aimais plus la conception de l’objet physique, l’assemblage, la mise au point. C’était ça qui m’intéressait en fait. Finalement, c’était plus proche de l’ingénieur d’essai que de l’ingénieur conception mécanique. L’Icam nous a permis d’affiner aussi les orientations professionnelles. Dans Ingénieur Mécanique, il y a à boire et à manger : il y a celui qui va concevoir les pièces en 3D, celui qui va les simuler, celui qui va les fabriquer et celui aussi qui va les tester. Et moi, en l’occurrence, je me suis plutôt placé à la fin de la chaîne de valeur qu’au début. 

L’Icam, la meilleure école d’ingénieur ?

Romain Duflot, ingénieur it [00:08:44] – Donc, les cinq ans d’études ingénieurs à l’Icam, qu’est ce qui en ressort ? Une grande liberté dans la prise d’initiatives. C’est ce que j’ai beaucoup apprécié. C’est ce fonctionnement par projets en corrélation avec des problématiques industrielles réelles, des projets concrets qu’on peut rencontrer en entreprise. Ça, c’était vraiment très bien. Ce qui était top en fait, c’est qu’on m’a laissé travailler sur mes propres projets dans des TP, dans le cadre de modules et de cours particuliers en ingénierie. Je me souviens, j’ai refourgué tous mes projets à l’Icam, mes projets de création de robots, mes drones. J’ai aussi eu la chance d’utiliser tout ce qui est fablab pour concevoir ses propres produits avec les machines outils à disposition. J’ai vraiment profité des moyens qui étaient mis à disposition. C’était vraiment génial. Et à chaque fois que j’ai vendu l’Icam à un étudiant ou à quelqu’un, c’est ce que j’ai dit. Ce qui est top à l’Icam, c’est qu’on a un fonctionnement par projet et aujourd’hui, je pense que c’est ce que les gens cherchent. Une mise en application concrète de toutes ces théories parce que finalement, la prépa, les espaces vectoriels etc., c’est bien pendant deux ans mais après on a envie de faire des choses qu’on va appliquer dans le monde du travail. Et c’est là que je trouve que l’Icam a quand même pas mal d’avance par rapport à toutes les autres écoles d’ingénieurs. Ok, on apprend l’aérodynamique mais si vous avez vraiment envie d’en faire, on va vous laisser concevoir votre avion, vous allez le tester. Par ailleurs, on a une section matériaux. Vous pouvez aussi travailler sur les surfaces carbone. Je me souviens, on m’avait proposé de faire des tests dans la soufflerie de Supaero. Donc, il y a moyen d’aller loin dans la démarche, d’aller jusqu’au bout des choses. En fait, c’est un peu l’ancienne devise de l’Icam : finir. Je me souviens encore de ce cours avec Gilles Bézard qui maintenant ne fait plus partie de l’école mais qui nous parlait déjà d’intelligence artificielle alors que l’industrie n’en parlait même pas. Donc, on avait déjà des cours d’intelligence artificielle à l’Icam et c’est devenu très populaire cinq ans plus tard dans le monde des startups. 

D’ingénieur mécanique à ingénieur d’essais

Romain Duflot, ingénieur it [00:10:55] – Quand je me suis rendu compte que je ne voulais pas faire ingénieur mécanique, j’ai trouvé cette voie orientée ingénieur d’essais. J’ai eu la chance de travailler pour Dassault Aviation sur le Falcon 7x et le Rafale avec des problématiques industrielles très concrètes de robotisation, d’automatisation. Après, j’ai eu aussi la chance d’aller aux essais en vol, chez Airbus. Et là, c’est la dualité parfaite entre le métier d’ingénieur et le métier de pilote puisqu’il faut mettre en place des installations d’essais dans les avions. Et après, il faut tester : la vibration des ailes, des tests de poussée, des tests de décrochage. C’est très concret et en plus, ça me parlait puisque ce sont des choses que j’avais faites à une petite échelle, sur des modèles réduits. C’était vraiment vraiment top de pouvoir passer sur des gros avions. Du coup, chez Airbus, c’était top. J’ai beaucoup aimé l’environnement, d’ingénierie aéronautique. C’était conforme grosso modo à ce à quoi je m’attendais mais avec un énorme problème, c’est la place de l’innovation et l’inertie aussi des grands groupes et des structures. Concrètement, je me suis un peu ennuyé. Je me suis dit : “je ne sais pas si c’est un milieu qui est assez dynamique”. Donc du positif et un peu de bémols. 

La 4ème année d’ingé et le projet création d’entreprise

Romain Duflot, ingénieur it [00:12:16] – Ce qui a été décisif en quatrième année, c’est le projet de création d’entreprise à l’Icam où on t’invite à participer, avec un groupe d’étudiants ou d’amis, à proposer une nouvelle idée, un nouveau projet et à étudier le business plan, combien il faut pour arriver au résultat, à étudier tous les aspects de la création dans un temps assez court puisque c’est quatre ou cinq mois. En parallèle de ça, j’avais passé mon permis moto. Dans le permis moto, on te dit : “là où tu regardes, c’est là où tu vas”. Et j’avais un problème puisque je suis un peu un assisté du téléphone, j’ai besoin de Google Maps pour me déplacer. Je suis très nul en sens de l’orientation et je me suis dit : “comment je vais faire ? Je vais scratcher mon téléphone sur le guidon. Bon, ce n’est pas terrible, je ne regarde pas la route. Je vais le mettre dans mon casque, c’est un peu interdit. Bon, je ne vois pas comment je vais faire”. En parallèle, j’avais déjà testé toutes les technologies de pilote de chasse puisque j’ai volé en Alphajet, je suis monté dans des Rafales. Il y a des super trucs, ça s’appelle des afficheurs tête haute, des HUD (Head UP Display en anglais). Ça permet de reporter l’information dans le champ de vision. Et à ce moment-là, je me dis que l’on devrait faire ça pour les casques de moto. Intégrer cette technologie dans un casque de motard pour lui montrer la voie sans qu’il y ait besoin de baisser la tête ou de sortir son téléphone, d’enlever ses gants. Donc j’ai proposé cette idée. Ça a pas mal plu. Les profs nous disent de partir là-dessus. La première étape, c’est l’analyse de la concurrence : est-ce qu’il n’y a pas déjà quelqu’un qui est en train de le faire ? Donc, on tape sur Google, on regarde et là, dégoûté, des Américains font exactement la même chose. Sauf que eux, ils ont déjà un an et demi d’avance. Ils ont déjà fait une superbe vidéo de commercialisation, une super campagne de crowdfunding à 2 millions. Et là tu te dis que ça ne va jamais marcher. Et là, je me souviens très bien de cette intervenante qui était venue nous voir et qui nous avait dit : “non mais ce n’est pas grave si vous avez des concurrents. C’est bien ! Ça prouve qu’il y a un marché. Et la question à vous poser, c’est qu’est ce qui peut vous différencier de ce concurrent pour créer une offre différente, peut-être plus intéressante ? Réfléchissez !” On réfléchit, on réfléchit. Et puis à ce moment-là, on se dit : “les Américains, ils vendent un casque complet, c’est débile. En fait, les motards ont déjà un casque. Donc, pourquoi ne pas faire un accessoire ? Et on a créé EyeLights par la suite, sur cette idée. Fin de quatrième année, comment ça s’est passé concrètement, on a fait ces six mois, on a été pas mal encouragés dans le process. Et après? En fait, on a eu la chance d’avoir deux mémoires scientifiques qui ont été approuvés par l’Icam sur ce projet. L’Icam nous a vraiment aidé à développer ce produit pendant notre mémoire scientifique de fin d’études. 

5ème année d’ingé et le début de EyesLights

Romain Duflot, ingénieur it [00:15:09] – En cinquième année, j’ai donc fait ce mémoire scientifique sur notre projet de création d’entreprise et j’ai également fait le stage aux essais en vol chez Airbus. Donc finalement, une année assez décisive où il y avait deux projets en parallèle, deux projets professionnels. Une bonne expérience chez Airbus aux essais en vol, mais un peu déçu par l’inertie de l’entreprise. Et en parallèle, ce projet de création un peu fou puisqu’il faut être un peu fou en sortie d’études pour se lancer dans un truc où on n’a pas d’argent, on n’a pas de financement, on ne sait pas trop où on va. Mais avec des pistes très prometteuses puisque pendant le mémoire, j’avais réussi à acquérir un kit de développement de pilotes de F16 israéliens qui nous a permis de faire la première POC (proof of concept), c’est-à-dire le premier démonstrateur. Il était tout buggué, il ne marchait pas très bien. 

La vie d’ingénieur après l’Icam

Romain Duflot, ingénieur it [00:16:01] – On sort de nos études et avec Thomas et on se dit qu’il faut qu’on aille éprouver le modèle et voir si ça intéresse des gens. En l’occurrence, on est allé voir Moto Blues qui est le plus gros distributeur moto de France. Et on a pris une grosse claque. On leur a fait tester le produit. Ils nous ont dit : “c’est génial, on adore. Par contre, c’est vraiment catastrophique. Il manque la partie audio, il manque le son, il n’y a pas de micro. C’est beaucoup trop cher. Ça a l’air fragile”. Donc, à la fois beaucoup d’espoirs et à la fois beaucoup de travail devant. Mais aussi des choses très prometteuses puisqu’ils nous ont tout de suite proposé de faire partie du Mondial moto en 2015. On a été invités par Moto Blues sur leur stand pour présenter l’innovation. Et là, ça a été un peu la révélation puisque sur le salon, il y a énormément de gens qui sont venus nous voir. “C’est génial ! J’adore comment on peut acheter ?” “Ca, c’est un truc un peu bricolé chez nous, imprimé en 3D. On ne peut pas le vendre. D’ailleurs, ça coûte une blinde, ça va coûter au moins 3000 euros”. Pourtant, beaucoup d’intérêt. En parallèle j’avais postulé au concours de la BPI, la banque française qui finance l’innovation, et on a eu la chance d’être sélectionné et d’être premier lauréat Midi-Pyrénées. C’est un concours où on gagne 40 000 €. Et avec ces 40 000 €, on a pu financer les premiers éléments de faisabilité du produit : technique, marketing. 

Création de EyesLights, spécialisée dans les technologies de réalité augmentée

Romain Duflot, ingénieur it [00:17:19] – Là, on arrive en avril 2016. On se dit : “on dépense beaucoup d’argent, il y a beaucoup de rentrées. Il faut créer la boîte”. A l’époque, quand on est sorti en décembre de tous ces essais et retours positifs, on avait un gros problème qui était l’industrialisation de notre produit. On avait un produit qui, grosso modo coûtait 3 ou 4 000 € et qui n’était pas du tout industrialisable. Il n’avait pas du tout le look d’un produit fini. On a eu la chance de rencontrer Ludovic Leman qui nous a dit : “Venez les gars. Moi, j’ai monté un accélérateur de startups qui sert à ça : industrialiser des produits, passer de la preuve de concept à un produit fini”. Et donc on a été introduit à Intel à EBV qui est le leader européen du semi-conducteur. Et en fait, on a développé tout notre réseau industriel grâce à cet accélérateur, grâce à l’IOT Valley. Et ça a été vraiment le deuxième tremplin après l’Icam. Tremplin encore plus fort, encore plus haut. C’est marrant, c’est aussi la devise de l’armée de l’air. Et donc qui nous a propulsés dans cette industrie un peu plus lourde du semi-conducteur, de la tech, de l’it. On a été invité par Intel, on a rencontré tous les patrons directement. On a eu, en fait, un raccourci vers la réussite, très rapide. En un an et demi, on a réussi à complètement concevoir l’intégralité du produit et à diviser les coûts de fabrication par dix. Et il faut savoir que c’est énorme. On a intégré à l’époque le plus petit écran du monde. On avait un produit 100 % made in France puisqu’il a été intégralement conçu et fabriqué dans la région Midi-Pyrénées. 

Romain Duflot, ingénieur it [00:18:59] – A ce moment-là, on est à peu près en juin 2016, on était toujours deux ou trois, on avait quelques freelances qui bossaient avec nous : des développeurs, des concepteurs, etc. Mais grosso modo, c’était assez compliqué au niveau financement puisque les choses dans l’high tech coûtent très vite très chères. Et donc, on s’est donné un défi, c’était en janvier. Avec Thomas, on s’est dit qu’on se laissait six mois pour réussir. Et c’est quoi la réussite ? Au-delà de l’aspect industrialisation que je viens de décrire, il y avait l’aspect commercial. On s’était dit qu’il faut qu’on lance une campagne de financement participatif, c’est-à-dire qu’on ouvre des précommandes sur ce produit et on va le faire en juin. Et si on a cinquante commandes, on considère que les gens sont prêts à payer pour le produit et donc on considère que ça vaut le coup d’aller plus loin dans la démarche. On avait eu quelques médias qui avaient parlé de nous avant et j’avais déjà fait un site internet dans lequel on pouvait enregistrer son email pour être tenu au courant des avancées. J’avais peut être 600 mails au total, pas beaucoup, pas énorme. Je me souviens bien, trois jours avant, j’ai fait un site Internet last minute parce qu’on avait des tournages, on avait des problèmes de fabrication. En fait, quand tu crées une entreprise, t’as douze tonnes de problèmes à la fois. Quand j’ai lancé le site, je me souviens, j’avais fait le site Internet, mais vraiment n’importe comment. Il y avait une page d’accueil avec des photos du produit. Il fallait cliquer à peu près douze fois pour acheter le produit alors que maintenant c’est interdit quand on voit ça sur un site de commerce, on sait que ça ne marchera jamais. Et pourtant, il y a des fous qui ont commandé le produit et il y en a eu beaucoup. En fait, il y a eu peut-être une centaine de mecs qui ont commandé le produit d’un coup. Un produit à 500 €. Non, d’ailleurs, c’était même plus que ça. C’était 650 € à l’époque. Et donc je me suis retrouvé avec une centaine de commandes à 650 € en moins de 24 heures. Et donc je me suis dit : “ouah ! Ah ouais, en fait les gens sont quand même super chauds et le produit est quand même super cool, donc on y va”. 

[00:21:00] C’est ça qui a été vraiment le kick off commercial et industriel du produit. Suite à ça, j’ai fait une levée de fonds avec des business angels. J’ai eu la chance de rencontrer Bruno Maisonnier qui est le fondateur d’Aldebaran Robotics. C’est celui qui a conçu le robot Nao, le premier robot humanoïde que tout le monde connaît. Il nous a beaucoup épaulés sur la partie hardware. On a également Ludovic Leman qui a investi. Finalement, un champ d’expertise assez large, avec des gens qui avaient déjà créé des entreprises et qui nous ont distillé les bons conseils au bon moment. Et c’est ça en fait le secret de la réussite, je pense, c’est d’être bien accompagné. 

EyesLights aujourd’hui, c’est quoi ?

Romain Duflot, ingénieur it [00:21:40] – EyeLights, aujourd’hui c’est quoi ? On est leader dans la réalité augmentée sur la moto, leader mondial puisqu’on a une entreprise unique sur ce secteur d’activité. On est les seuls à avoir réussi à industrialiser ce produit de A à Z et à l’avoir commercialisé. On a plus de trois ans de retour d’expérience sur cette première version moto. Par ailleurs, on a déjà commercialisé la V2 moto en partenariat avec Sony. On est d’ailleurs leurs meilleurs clients sur la dernière technologie nano OLED. C’est assez exceptionnel. On a fait la meilleure campagne tech de France en crowdfunding sur Kickstarter et sur Indiegogo. On commercialise dans les quatre coins du monde : au Japon, aux États-Unis, en France. On a un énorme potentiel puisqu’on est en train d’équiper également des camions d’autoroute Vinci, donc tout le réseau. En termes d‘ingénierie sécurité, c’est aussi très sympa. Et on a un énorme potentiel dans le pare-brise connecté, la voiture connectée de demain puisqu’on travaille avec des constructeurs allemands pour l’intégration de cette technologie directement dans les tableaux de bord. En parallèle, on a la chance d’équiper les forces spéciales françaises. On équipe également des jets, des avions de chasse français. Et donc voilà, on a une route, un chemin, une autoroute, je dirais toute tracée. Aujourd’hui, ce qui est assez marrant, c’est que finalement c’est une cause qui initialement était personnelle, du fait de l’accident avec mon père, du fait aussi que je me rende compte que sur une moto c’est très accidentogène et le risque est vraiment omniprésent. Ça rejoint une cause mondiale puisque aujourd’hui, si on prend les chiffres de l’OMS, les accidents de la route, c’est la huitième cause de mortalité dans le monde. Et donc il y a aussi un vrai enjeu sociétal d’interdire le smartphone, pas de l’interdire mais d’améliorer son usage puisqu’un accident sur deux est lié à l’utilisation du téléphone au volant. Et c’est justement ça qu’on cherche à résoudre chez Eyelights grâce à la réalité augmentée. 

[00:23:42] C’était un peu la fusion de tout ce que j’adorais, parce que j’ai beaucoup participé à la conception du produit initialement. Quand on n’était que deux avec Thomas, il n’y avait pas trop le choix. Au début, on fait plus d’engineering que de commercial. J’ai adoré designer le premier produit. Le premier produit, c’est moi qui l’ai designé. Le deuxième, j’ai beaucoup participé également dans la recherche it technologique, dans la conception du produit, dans le fait de le faire tester aux gens et d’apprendre aussi de leurs retours, les écouter, améliorer le produit successivement. Mettre aussi au service de l’entreprise mes compétences de pilotage de drones puisque les premières vidéos marketing, c’est moi qui les ai faites avec mes petites mains et mon petit drone pour filmer une moto sur la route. Tout ça, mis bout à bout, c’était vraiment vraiment génial et ça l’est toujours. Moi, je m’éclate énormément dans ce que je fais et c’est une liberté incroyable, en fait. Cette liberté-là aujourd’hui, je ne la troquerais contre rien au monde. Je ne regrette pas du tout aujourd’hui de m’être lancé dans cette carrière-là versus une carrière de pilote de chasse qui, je pense, aurait été beaucoup plus contraignante en termes de développement personnel. J’ai découvert le monde de l’entreprise, j’ai découvert la création d’un produit, j’ai découvert le marketing. J’adore le marketing, un truc que je n’avais pas du tout appris à l’Icam et que j’ai découvert. J’ai découvert le monde de la finance qui est un monde quand même très particulier mais qui est nécessaire au développement d’une entreprise. Tous ces codes de la tech aussi, qui sont très particuliers et qui sont passionnants. Après, ce qui est génial, c’est de recruter aussi toute une équipe et de voir l’équipe grandir et petit à petit prendre de la hauteur. C’est assez top ! Je trouve que l’univers de la startup, c’est une formation vraiment accélérée dans tous les domaines. 

Un mot de la fin pour les futurs ingénieurs Icam ?

Romain Duflot, ingénieur it [00:25:24] – Pour conclure, l’Icam nous a permis de sauter, de se lancer en fait. La création d’entreprise, c’est quand même un enjeu fort et il faut avoir le courage de se lancer. Et là, l’Icam, je trouve qu’ils sont très très forts là-dedans. C’est : “réalise-toi, vas-y à fond !”. En tout cas, moi, ce qui m’anime beaucoup aujourd’hui, c’est cette volonté de créer, de grandir rapidement et d’agir pour le bien de la société, en l’occurrence la sécurité dans la mobilité. Aujourd’hui, quand on est diplômé Icam,le champ du monde il est ouvert à tous et en particulier dans un contexte difficile qui est aujourd’hui le Covid. Ce que je veux dire à tous ces étudiants qui sortent de l’Icam, c’est : osez, lancez-vous ! Si vous y croyez à fond, vous allez forcément réussir et il ne faut rien lâcher. Il ne faut pas hésiter à sauter.

Conclusion du témoignage « Parcours d’ingénieurs »

Camille Schneller [00:26:15]Je suis Camille Schneller. Vous venez d’écouter le troisième épisode de la deuxième saison de parcours d’ingénieur. J’espère que l’expérience de Romain vous a éclairé sur les défis qu’un jeune ingénieur it entrepreneur peut rencontrer. L’Icam forme des ingénieurs généralistes et diplôme chaque année 700 élèves. Aujourd’hui, le réseau compte plus de 16 000 ingénieurs Icam partout dans le monde. Si vous souhaitez en savoir plus sur les formations d’ingénieur proposées à l’Icam, je vous invite à visiter notre site web Icam.fr et à nous rencontrer. A bientôt.

Découvrez les interviews ingénieurs de Lucie Guillot, ingénieure énergie mobile ou encore celle de Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech ou encore celui d’Hubert Motte, ingénieur entrepreneur